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Dédicace à Trolls & Vélo et magie cycliste Je serai ce samedi 19 avril à Mons au festival Trolls & Légende en dédicace au stand PVH. La star de la table sera sans conteste Sara Schneider, autrice fantasy de la saga des enfants d’Aliel et qui est toute auréolée du Prix SFFF Suisse 2024 pour son superbe roman « Place d’âmes » (dont je vous ai déjà parlé). C’est la première fois que je dédicacerai à côté d’une autrice ayant reçu un prix majeur. Je suis pas sûr qu’elle acceptera encore que je la tutoie. Sara Schneider avec son roman et son prix SFFF Suisse 2024 Bref, si Sara vient pour faire la légende, le nom du festival implique qu’il faille compléter avec des trolls. D’où la présence également à la table PVH de Tirodem, Allius et moi-même. Ça, les trolls, on sait faire ! Les belles mécaniques de l’imaginaire S’il y a des trolls et des légendes, il y a aussi tout un côté Steampunk. Et quoi de plus Steampunk qu’un vélo ? Ce qui fait la beauté de la bicyclette, c’est sa sincérité. Elle ne cache rien, ses mouvements sont apparents, l’effort chez elle se voit et se comprend; elle proclame son but, elle dit qu’elle veut aller vite, silencieusement et légèrement. Pourquoi la voiture automobile est-elle si vilaine et nous inspire-t-elle un sentiment de malaise ? Parce qu’elle dissimule ses organes comme une honte. On ne sait pas ce qu’elle veut. Elle semble inachevée. – Voici des ailes, Maurice Leblanc Le vélo, c’est l’aboutissement d’un transhumanisme humaniste rêvé par la science-fiction. La bicyclette a résolu le problème, qui remédie à notre lenteur et supprime la fatigue. L’homme maintenant est pourvu de tous ses moyens. La vapeur, l’électricité n’étaient que des progrès servant à son bien-être; la bicyclette est un perfectionnement de son corps même, un achèvement pourrait-on dire. C’est une paire de jambes plus rapides qu’on lui offre. Lui et sa machine ne font qu’un, ce ne sont pas deux êtres différents comme l’homme et le cheval, deux instincts en opposition; non, c’est un seul être, un automate d’un seul morceau. Il n’y a pas un homme et une machine, il y a un homme plus vite. – Voici des ailes, Maurice Leblanc Un aboutissement technologique qui, paradoxalement, connecte avec la nature. Le vélo est une technologie respectueuse et utilisable par les korrigans, les fées, les elfes et toutes les peuplades qui souffrent de notre croissance technologique. Le vélo étend notre cerveau pour nous connecter à la nature, induit une transe chamanique dès que les pédales se mettent à tourner. Nos rapports avec la nature sont bouleversés ! Imaginez deux hommes sur un grand chemin : l’un marche, l’autre roule; leur situation à l’égard de la nature sera-t-elle la même ? Oh ! non. L’un recevra d’elle de menues sensations de détails, l’autre une vaste impression d’ensemble. À pied, vous respirez le parfum de cette plante, vous admirez la nuance de cette fleur, vous entendez le chant de cet oiseau; à bicyclette, vous respirez, vous admirez, vous entendez la nature elle-même. C’est que le mouvement produit tend nos nerfs jusqu’à leur maximum d’intensité et nous dote d’une sensibilité inconnue jusqu’alors. – Voici des ailes, Maurice Leblanc Oui, le vélo a amplement sa place à Trolls & Légendes, comme le démontrent ses extraits de « Voici des ailes » de Maurice Leblanc, roman écrit… en 1898, quelques années avant la création d’Arsène Lupin ! Célébrer l’univers Bikepunk Moi aussi, j’aime me faire lyrique pour célébrer le vélo, comme le prouvent les extraits que sélectionnent les critiques de mon roman Bikepunk. Chierie chimique de bordel nucléaire de saloperie vomissoire de permamerde ! — Bikepunk, Ploum Bikepunk - L'Antre d'un poulpe (blog.grishka.fr) Ouais bon, d’accord… C’est un style légèrement différent. J’essaie juste de toucher un public un poil plus moderne quoi. Et puis on avait dit « pas cet extrait-là ! ». Allez, comme on dit chez les cyclisteurs : on enchaîne, on enchaîne… Donc, pour célébrer le vélo et l’imaginaire cycliste, je me propose d’offrir une petite surprise à toute personne qui se présentera sur le stand PVH avec un déguisement dans le thème Bikepunk ce samedi (et si vous me prévenez à l’avance, c’est encore mieux). Parce qu’on va leur montrer à ces elfes, ces barbares et ces mages ce que c’est la véritable magie, la véritable puissance : des pédales, deux roues et un guidon ! À samedi les cyclotrolls ! L’événement Dédicace à Trolls & Légendes sur Mobilizon. Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) ! Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.
À la recherche de l’attention perdue La messagerie instantanée et la politique Vous l’avez certainement vu passer : Un journaliste américain s’est fait inviter par erreur sur un chat Signal où des personnes très haut placées de l’administration américaine (y compris le vice-président) discutent de l’organisation top secrète d’une frappe militaire au Yémen le 15 mars. L’administration Trump envoie par erreur ses plans de guerre à un journaliste via Signal (next.ink) La raison de cette erreur est que le porte-parole de Trump, Brian Hughes, avait, durant la campagne électorale, reçu un email du journaliste en question pour demander des précisions sur un autre sujet. Brian Hughes avait alors copié/collé la totalité de l’email, incluant la signature contenant le numéro de téléphone du journaliste, dans un message instantané Apple iMessage à destination de Mike Waltz, qui allait devenir le conseiller à la sécurité de Trump. Recevant ce numéro par message de la part de Brian Hughes, Mike Waltz aurait ensuite sauvegardé ce numéro sous le nom de Brian Hughes. En voulant inviter plus tard Brian Hughes dans le chat Signal, Mike Waltz a par erreur invité le journaliste américain. Exclusive: how the Atlantic’s Jeffrey Goldberg got added to the White House Signal group chat (www.theguardian.com) Cette anecdote nous apprend plusieurs choses: Premièrement, Signal est devenu une réelle infrastructure critique de sécurité, y compris dans les cercles les plus hauts placés. Deuxièmement, les discussions de guerre ultra-stratégique ont désormais lieu… par chat. Pas difficile d’imaginer que chaque participant répond machinalement, poste un émoji entre deux réunions, lors d’une pause pipi. Et là se décident la vie et la mort du reste du monde : dans les toilettes et les réunions qui n’ont rien à voir ! L’erreur initiale provient du fait que Mike Waltz ne lit vraisemblablement pas ses emails (sinon, on lui aurait fait suivre l’email au lieu de l’envoyer par message) et que Brian Hughues est incapable de résumer efficacement un long texte (sinon il n’aurait pas collé l’intégralité du message). Non seulement Mike Waltz ne lit pas ses emails, mais on peut soupçonner qu’il ne lit pas les messages trop longs : il a quand même ajouté un numéro de téléphone qui se trouvait à la fin d’un message sans prendre le temps de lire et de comprendre ledit message. À sa décharge, il semblerait qu’il soit possible que ce soit "l’intelligence artificielle" de l’iPhone qui ait ajouté ce numéro automatiquement au contact. Je ne sais pas si cette fonctionnalité existe, mais le fait d’utiliser un téléphone qui peut décider automatiquement de changer le numéro de ses contacts est quand même assez effrayant. Et bien dans le genre d’Apple dont j’interprète les slogans marketing comme « achetez avec nos produits l’intelligence qui vous fait défaut, bande de crétins ! ». Crise politique attentionnelle et surveillance généralisée La crise attentionnelle est réelle : nous sommes de moins en moins capables de nous concentrer et nous votons pour des gens qui le sont encore moins ! Un ami ayant été embauché pour participer à une campagne électorale en Belgique m’a raconté avoir été abasourdi par l’addiction des politiciens les plus en vue aux réseaux sociaux. Ils sont en permanence rivés à leurs écrans à comptabiliser les likes et les partages de leurs publications et, quand ils reçoivent un dossier de plus de dix lignes, demandent un résumé ultra-succinct à leurs conseillers. Vos politiques ne comprennent rien à rien. Ils font semblant. Et désormais, ils demandent à ChatGPT qui a l’avantage de ne pas dormir, contrairement aux conseillers humains. Les fameuses intelligences artificielles qui, justement, sont peut-être coupables d’avoir ajouté le numéro à ce contact et d’avoir rédigé la politique fiscale de Trump. La fin d’un monde ? (ploum.net) Mais pourquoi utiliser Signal et pas une solution officielle qui empêcherait ce genre de fuite ? Officiellement, il n’y aurait pas d’alternative aussi facile. Mais je vois une raison non officielle très simple : les personnes haut placées ont désormais peur de leur propre infrastructure, car ils savent que tout est sauvegardé et peut-être utilisé contre eux lors d’une éventuelle enquête ou d’un procès, même des années plus tard. Trump a été élu la première fois en faisant campagne sur le fait qu’Hillary Clinton avait utilisé un serveur email personnel, ce qui lui permettait, selon Trump lui-même, d’échapper à la justice en ayant ses mails soustraits aux services de surveillance internes américains. Même ceux qui mettent en place le système de surveillance généralisé en ont peur. L’éducation à la compréhension La dernière leçon que je tire de cette anecdote c’est, encore une fois, celle de l’éducation : vous pouvez avoir l’infrastructure cryptographique la plus sécurisée, si vous êtes incompétent au point d’inviter n’importe qui dans votre chat, on ne peut rien faire pour vous. La plus grosse faille de sécurité est toujours entre la chaise et le clavier, la seule manière de sécuriser un système est de faire en sorte que l’utilisateur soit éduqué. Le meilleur exemple reste celui des voitures autonomes : nous sommes en train de mettre des générations entières dans des Tesla qui se conduisent toutes seules 99% du temps. Et lorsqu’un accident arrive, dans le 1% restant, nous demandons au conducteur : « Mais pourquoi tu n’as pas réagi comme un bon conducteur ? » Et la réponse est très simple : « Parce que je n’ai jamais conduit de ma vie, je ne sais pas ce que c’est conduire, je n’ai jamais appris à réagir quand le système ne fonctionne pas correctement ». Vous pensez que j’exagère ? Attendez… Se faire engager grâce à l’IA Eric Lu a reçu le CV d’un candidat très prometteur pour bosser dans sa startup. CV qui semblait fort optimisé en mots clés, mais qui était particulièrement pointu dans les technologies utilisées par Eric. Il a donc proposé au candidat une interview par vidéo. Au début, tout s’est très bien passé jusqu’à ce que le candidat commence à s’emmêler dans ses réponses. « Vous dites que le service d’envoi de SMS sur lequel vous avez bossé était saturé, mais vous décrivez le service comme étant utilisé par une classe de 30 personnes. Comment 30 SMS peuvent-ils saturer le service ? » … euh… « Pouvez-vous me dire quelle interface utilisateur vous avez mise en place avec ce que vous dites avoir implémenté ? » … euh, je ne me souviens plus… Eric comprend alors que le candidat baratine. Le CV a été généré par ChatGPT. Le candidat s’est préparé en simulant un entretien d’embauche avec ChatGPT et en étudiant par cœur ce qu’il devait répondre. Il panique dès qu’on sort de son script. What it's like to interview a software engineer preparing with AI (www.kapwing.com) Ce qui est particulièrement dommage, c’est que le candidat avait un profil vraiment adapté. S’il avait été honnête et franc au regard de son manque d’expérience, il aurait pu se faire engager comme junior et acquérir l’expérience souhaitée. S’il avait consacré son temps à lire des explications techniques sur les technologies concernées plutôt que d’utiliser ChatGPT, il aurait pu convaincre l’employeur de sa motivation, de sa curiosité. « Je ne connais pas encore grand-chose, mais je suis désireux d’apprendre ». Mais le plus triste dans tout cela, c’est qu’il a sincèrement pensé que ça pouvait fonctionner. Il a détruit sa réputation parce que ça ne lui a même pas traversé l’esprit que, quand bien même il aurait été engagé, il n’aurait pas tenu deux jours dans son boulot avant de passer pour un crétin. Il a été malhonnête parce qu’il était persuadé que c’était la bonne manière de fonctionner. Bref, il était un vrai Julius. Mon collègue Julius (ploum.net) Il a « appris à conduire une Tesla » en s’asseyant sur le siège et regardant celle-ci faire 100 fois le tour du quartier. Confiant, il est parti dans une autre ville et s’est pris le premier platane. Sauver une génération Les smartphones, l’IA, les monopoles publicitaires, les réseaux sociaux sont toutes les facettes d’un même problème : la volonté de rendre la technologie incompréhensible afin de nous asservir commercialement et de nous occuper l’esprit. J’ai écrit comment je pensais que nous devions agir pour éduquer la prochaine génération d’adultes : De l’utilisation des smartphones et des tablettes chez les adolescents (ploum.net) Mais c’est un point de vue de parent. C’est pour cela que je trouve très pertinente l’analyse de Thual qui, lui, est un jeune adulte à peine sorti de l’adolescence. Il peut parler de tout cela à la première personne. Adolescence et numérique : retour d'expérience (thual.eu) La grande leçon que j’en tire est que la génération qui nous suit est loin d’être perdue. Comme toutes les générations, elle est désireuse d’apprendre, de se battre. Nous devons avoir l’humilité de réaliser que ma génération s’est complètement plantée. Que nous détruisons tout, que nous sommes des fascistes addicts à Facebook et Candy Crush qui roulons en SUV. Nous n’avons pas de leçons à leur donner. Nous avons le devoir de les aider, de nous mettre à leur service en désactivant le pilote automatique et en brûlant les slides PowerPoint dont nous sommes si fiers. Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) ! Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.
De l’utilisation des smartphones et des tablettes chez les adolescents Chers parents, chers enseignants, chers éducateurs, Nous le savons toutes et tous, le smartphone est devenu un objet incontournable de notre quotidien, nous connectant en permanence au réseau Internet qui, avant cela, restait cantonné aux ordinateurs sur nos bureaux. En voyant grandir nos enfants, la question se pose : quand, comment et pourquoi les faire entrer dans le monde de cette hyperconnexion permanente. L’adolescence est une phase critique de la vie durant laquelle le cerveau est particulièrement réceptif et forme des réflexes qui resteront ancrés toute une vie. C’est également une période durant laquelle la pression du groupe et le désir de conformité sociale sont les plus importants. Ce n’est pas un hasard si les producteurs de cigarettes et d’alcool ciblent explicitement les adolescents dans le marketing de leur produit. Le smartphone étant une invention incroyablement récente, nous manquons totalement de recul sur l’impact qu’il peut avoir durant la croissance. Est-il totalement inoffensif ou sera-t-il considéré, d’ici quelques années, comme le tabac l’est aujourd’hui ? Personne ne le sait avec certitude. Nos enfants sont les cobayes de cette technologie. L’administrateur de la santé publique des États-Unis (US Surgeon General) tire la sonnette d’alarme à ce sujet. Il me parait important de souligner certains points importants, qui ne sont que quelques éléments parmi les nombreuses problématiques étudiées dans le domaine Impacts of Technology Use on Children: Exploring Literature on the Brain, Cognition and Well-Being (OECD) L’attention et la concentration Il est désormais démontré que le smartphone perturbe grandement l’attention et la concentration, y compris chez les adultes. Ce n’est pas un hasard : il est conçu pour cela. Les entreprises comme Google et Meta (Facebook, Whatsapp, Instagram) sont payées proportionnellement au temps que nous passons devant l’écran. Tout est optimisé en ce sens. Le simple fait d’avoir un téléphone près de soi, même éteint, perturbe le raisonnement et fait baisser sensiblement les résultats de tests de QI. Brain Drain: The Mere Presence of One’s Own Smartphone Reduces Available Cognitive Capacity Le cerveau acquiert le réflexe d’attendre des notifications de nouveaux messages de cet appareil, sa seule présence est donc un handicap majeur dans toutes les tâches qui requièrent de l’attention : lecture, apprentissage, réflexion, calculs. Il ne suffit pas de l’éteindre : il faut le mettre à distance, si possible dans une pièce différente ! Il est démontré que l’utilisation des réseaux sociaux comme Tik-Tok perturbe complètement la notion du temps et la formation de la mémoire. Nous en avons tous fait l’expérience : nous jurons avoir passé 10 minutes sur notre smartphone alors qu’il s’est en réalité écoulé près d’une heure. How Social Media Interferences With The Psychology of Time and Memory (www.neuroscienceof.com) Pour mémoriser et apprendre, le cerveau a besoin de temps de repos, de vide, d’ennui et de réflexion. Ces nécessaires temps « morts » dans les trajets, dans les files d’attente, dans la solitude d’une chambre d’adolescent voire même durant un cours rébarbatif ont été supplantés par une hyperconnexion. The Psychology behind TikTok’s Memory Interference (www.neuroscienceof.com) L’angoisse sociale et la perturbation du sommeil Même lorsque nous ne l’utilisons pas, nous savons que les conversations continuent. Que des messages importants sont peut-être échangés en notre absence. Cette sensation bien connue appelée « FOMO » (Fear Of Missing Out, peur de manquer quelque chose) nous pousse à consulter notre téléphone jusque tard dans la nuit et dès le réveil. Une proportion inquiétante de jeunes reconnaissent se réveiller durant la nuit pour consulter leur smartphone. Or la qualité du sommeil est fondamentale dans le processus d’apprentissage et de formation du cerveau. Les adolescents se réveillent pour se connecter (www.lemonde.fr) School smartphone ban results in better sleep and improved mo (www.york.ac.uk) La santé mentale De récentes avancées démontrent une corrélation forte entre le degré d’utilisation des réseaux sociaux et les symptômes de dépression. Le monde occidental semble atteint d’une épidémie de dépression adolescente, épidémie dont la temporalité correspond exactement avec l’apparition du smartphone. Les filles en dessous de 16 ans sont la population la plus touchée. Does Social Media Use Cause Depression? (childmind.org) The Teen Mental Illness Epidemic is International: The Anglosphere (www.afterbabel.com) Has Social Media Fuelled a Teen-Suicide Crisis? (www.newyorker.com) Le harcèlement et la prédation Sur les réseaux sociaux, il est trivial de créer un compte anonyme ou usurpant l’identité d’une autre personne (contrairement à ce qu’il est parfois affirmé dans les médias, il n’est pas nécessaire d’être un génie de l’informatique pour mettre un faux nom dans un formulaire). À l’abri sous cet anonymat, il est parfois très tentant de faire des blagues de mauvais goût, de tenir des propos injurieux, de révéler aux grands jours les secrets dont les adolescents sont friands voire de calomnier pour régler des différends de cours de récré. Ces comportements ont toujours fait partie de l’adolescence et font partie d’une exploration naturelle normale des relations sociales. Cependant, le fonctionnement des réseaux sociaux aggrave fortement l’impact de ces actions tout en favorisant l’impunité du responsable. Cela peut conduire à des conséquences graves allant au-delà de ce qu’imaginent initialement les participants. Ce pseudonymat est également une bénédiction pour les personnes mal intentionnées qui se font passer pour des enfants et, après des semaines de discussion, proposent à l’enfant de se retrouver en vrai, mais sans rien dire aux adultes. Au lieu d’en tirer des leçons sociales éducatives, nous appelons les adolescents faisant des blagues de mauvais goût des « pirates informatiques », stigmatisant l’utilisation de la technologie plutôt que le comportement. Le thème des prédateurs sexuels est mis en exergue pour réclamer à cor et à cri des solutions de contrôle technologiques. Solutions que les géants de l’informatique se font un plaisir de nous vendre, jouant sur la peur et stigmatisant la technologie ainsi que celles et ceux qui ont le malheur d’en avoir une compréhension intuitive. La peur et l’incompréhension deviennent les moteurs centraux pour mettre en avant une seule valeur éducative : obéir aveuglément à ce qui est incompréhensible et ce qu’il ne faut surtout pas essayer de comprendre. La fausse idée de l’apprentissage de l’informatique Car il faut à tout prix déconstruire le mythe de la « génération numérique ». Contrairement à ce qui est parfois exprimé, l’utilisation d’un smartphone ou d’une tablette ne prépare en rien à l’apprentissage de l’informatique. Les smartphones sont, au contraire, conçus pour cacher la manière dont ils fonctionnent et sont majoritairement utilisés pour discuter et suivre des publications sponsorisées. Ils préparent à l’informatique autant que lire un magazine people à l’arrière d’un taxi prépare à devenir mécanicien. Ce n’est pas parce que vous êtes assis dans une voiture que vous apprenez son fonctionnement. Une dame de 87 ans se sert d’une tablette sans avoir été formée, mais il faudrait former les enfants à l’école ? Former à utiliser Word ou PowerPoint ? Les enfants doivent apprendre à découvrir les généralités des logiciels, à tester, à « chipoter », pas à reproduire à l’aveugle un comportement propre à un logiciel propriétaire donné afin de les préparer à devenir des clients captifs. Et que dire d’un PowerPoint qui force à casser la textualité, la capacité d’écriture pour réduire des idées complexes sous forme de bullet points ? Former à PowerPoint revient à inviter ses élèves dans un fast-food sous prétexte de leur apprendre à cuisiner. L’aspect propriétaire et fermé de ces logiciels est incroyablement pervers. Introduire Microsoft Windows, Google Android ou Apple iOS dans les classes, c’est forcer les étudiants à fumer à l’intérieur sans ouvrir les fenêtres pour en faire de bons apnéistes qui savent retenir leur souffle. C’est à la fois dangereusement stupide et contre-productif. Les gamins ne savent pas utiliser les ordinateurs… Voici pourquoi ça devrait vous inquiéter. (lunatopia.fr) Pourquoi les jeunes sont devenus si nuls en informatique (www.mac4ever.com) De manière étonnante, c’est d’ailleurs dans les milieux de l’informatique professionnelle que l’on trouve le plus de personnes retournant aux « dumbphones », téléphones simples. Car, comme dit le proverbe « Quand on sait comment se prépare la saucisse, on perd l’envie d’en manger… » Que faire ? Le smartphone est omniprésent. Chaque génération transmet à ses enfants ses propres peurs. S’il y a tant de discussions, de craintes, de volonté « d’éducation », c’est avant tout parce que la génération des parents d’aujourd’hui est celle qui est le plus addict à son smartphone, qui est la plus espionnée par les monopoles publicitaires. Nous avons peur de l’impact du smartphone sur nos enfants parce que nous nous rendons confusément compte de ce qu’il nous inflige. Mais les adolescents ne sont pas forcés d’être aussi naïfs que nous face à la technologie. Commencer le plus tard possible Les pédiatres et les psychiatres recommandent de ne pas avoir une utilisation régulière du smartphone avant 15 ou 16 ans, le système nerveux et visuel étant encore trop sensible avant cela. Les adolescents eux-mêmes, lorsqu’on les interroge, considèrent qu’ils ne devraient pas avoir de téléphone avant 12 ou 13 ans. GAFA tes gosses | ARTE Radio (www.arteradio.com) Youth Perspectives on the Recommended Age of Mobile Phone Adoption: Survey Study (www.ncbi.nlm.nih.gov) Si une limite d’âge n’est pas réaliste pour tout le monde, il semble important de retarder au maximum l’utilisation quotidienne et régulière du smartphone. Lorsque votre enfant devient autonome, privilégiez un « dumbphone », un simple téléphone lui permettant de vous appeler et de vous envoyer des SMS. Votre enfant arguera, bien entendu, qu’il est le seul de sa bande à ne pas avoir de smartphone. Nous avons tous été adolescents et utilisé cet argument pour nous habiller avec le dernier jeans à la mode. Comme le signale Jonathan Haidt dans son livre « The Anxious Generation », il y a un besoin urgent de prendre des actions collectives. Nous offrons des téléphones de plus en plus tôt à nos enfants, car ils nous disent « Tout le monde en a sauf moi ». Nous cédons, sans le savoir, nous forçons d’autres parents à céder. Des expériences pilotes d’écoles « sans téléphone » montrent des résultats immédiats en termes de bien-être et de santé mentale des enfants.. What happens when a school bans smartphones? A complete transformation (www.theguardian.com) Jonathan Haidt Talks His New Book ‘The Anxious Generation’ (www.noemamag.com) Parlez-en avec les autres parents. Développez des stratégies ensemble qui permettent de garder une utilisation raisonnable du smartphone tout en évitant l’exclusion du groupe, ce qui est la plus grande hantise de l’adolescent. Discutez en amont avec votre enfant Expliquez à votre enfant les problématiques liées au smartphone. Plutôt que de prendre des décisions arbitraires, consultez-le et discutez avec lui de la meilleure manière pour lui d’entrer dans le monde connecté. Établissez un lien de confiance en lui expliquant de ne jamais faire confiance à ce qu’il pourra lire sur le téléphone. Dans le doute, il doit avoir le réflexe d’en discuter avec vous. Introduisez l’outil progressivement Ne laissez pas votre enfant se débrouiller directement avec un smartphone une fois votre limite d’âge atteinte. Bien avant cela, montrez-lui comment vous utilisez votre propre smartphone, votre ordinateur. Montrez-lui la même page Wikipédia sur les deux outils en expliquant qu’il ne s’agit que d’une manière de visualiser un contenu qui se trouve sur un autre ordinateur. Lorsque votre enfant reçoit son propre appareil, introduisez-le progressivement en ne lui autorisant l’utilisation que pour des cas particuliers. Vous pouvez par exemple garder le téléphone, en ne le donnant à l’enfant que lorsqu’il en fait la demande pour une durée limitée et pour un usage précis. Ne créez pas immédiatement des comptes sur toutes les plateformes à la mode. Observez avec lui les réflexes qu’il acquiert, discutez sur l’inondation permanente que sont les groupes Whatsapp. Parlez de vie privée Rappelez à votre enfant que l’objectif des plateformes monopolistiques est de vous espionner en permanence afin de revendre votre vie privée et de vous bombarder de publicités. Que tout ce qui est dit et posté sur les réseaux sociaux, y compris les photos, doit être considéré comme public, le secret n’est qu’une illusion. Une règle d’or : on ne poste pas ce qu’on ne serait pas confortable de voir afficher en grand sur les murs de l’école. Google et Meta ont conclu un accord pub secret ciblant les ados pour les attirer vers Instagram, quelques mois apr�s que Zuckerberg se soit excusé devant le Congrès pour l'exploitation des enfants sur Instagram (www.developpez.com) Au Danemark, les écoles ne peuvent désormais plus utiliser de Chromebook pour ne pas enfreindre la vie privée des enfants. Mais ne croyez pas qu’Android, Windows ou iOS soient mieux en termes de vie privée. Final Decision on Chromebook Case in Denmark (theprivacydad.com) Pas dans la chambre Ne laissez jamais votre enfant dormir avec son téléphone. Le soir, le téléphone devrait être rangé dans un endroit neutre et hors de portée. De même, ne laissez pas le téléphone à portée de main lorsque l’enfant fait ses devoirs. Il en va de même pour les tablettes et autres laptops qui ont exactement les mêmes fonctions. Idéalement, les écrans sont à éviter avant d’aller à l’école pour éviter de commencer la journée en étant déjà en état de fatigue attentionnelle. N’oubliez pas que le smartphone peut être le vecteur de messages et d’images dérangeantes, voire choquantes, mais étrangement hypnotiques. L’effet de la lumière des écrans sur la qualité du sommeil est également une problématique encore mal comprise. « La fabrique du crétin digital », de Michel Desmurget Continuez la discussion Il existe des logiciels dits de « Contrôle parental ». Mais aucun logiciel ne remplacera jamais la présence des parents. Pire : les enfants les plus débrouillards trouveront très vite des astuces pour contourner ces limitations voire seront tentés de contourner ces limitations uniquement parce qu’elles sont arbitraires. Plutôt que d’imposer un contrôle électronique, prenez le temps de demander à vos enfants ce qu’ils font sur leur téléphone, avec qui ils parlent, ce qui se dit, quels sont les logiciels qu’ils utilisent. L’utilisation d’Internet peut être également très bénéfique en permettant à l’enfant d’apprendre sur des sujets hors programmes ou de découvrir des communautés partageant des centres d’intérêt différents de ceux de l’école. De la même manière que vous laissez votre enfant fréquenter un club de sport ou de scoutisme tout en l’empêchant de trainer avec une bande de voyous dans la rue, vous devez contrôler les fréquentations de vos enfants en ligne. Loin des groupes Whatsapp scolaires, votre enfant peut trouver des communautés en ligne partageant ses centres d’intérêt, communautés dans lesquelles il pourra apprendre, découvrir et s’épanouir s’il est bien aiguillé. Donnez l’exemple, soyez l’exemple ! Nos enfants ne font pas ce qu’on leur dit de faire, ils font ce qu’ils nous voient faire. Les enfants ayant vu leurs parents fumer ont le plus grand risque de devenir fumeurs à leur tour. Il en est de même pour les smartphones. Si notre enfant nous voit en permanence sur notre téléphone, il n’a pas d’autre choix que de vouloir nous imiter. L’un des plus beaux cadeaux que vous pouvez faire est donc de ne pas utiliser compulsivement votre téléphone en présence de votre enfant. Oui, vous devez traiter et prendre conscience de votre propre addiction ! Prévoyez des périodes où vous le mettez-le en silencieux ou en mode avion et où il est rangé à l’écart. Lorsque vous prenez votre téléphone, expliquez à votre enfant l’usage que vous en faites. Devant lui, mettez-vous à lire un livre papier. Et, non, la lecture sur l’iPad n’est pas « pareille ». A groundbreaking study shows kids learn better on paper, not screens. Now what? (www.theguardian.com) D’ailleurs, si vous manquez d’idée, je ne peux que vous recommander mon dernier roman : une aventure palpitante écrite à la machine à écrire qui traite de vélo, d’adolescence, de fin du monde et de smartphones éteints pour toujours. Oui, la publicité s’est même glissée dans ce texte, quel scandale ! Bikepunk, les chroniques du flash Donnez le goût de l’informatique, pas celui d’être contrôlé Il ne faut pas tirer sur le messager : le responsable n’est pas « l’écran », mais l’utilisation que nous en faisons. Les monopoles informatiques tentent de rendre les utilisateurs addicts, prisonniers pour les bombarder de publicités, pour les faire consommer. Là sont les responsables. Apprendre la programmation (ce qui se fait au départ très bien sans écran), jouer à des jeux vidéos profonds avec des histoires complexes ou simplement drôles pour passer un moment amusant, discuter en ligne avec des passionnés, dévorer Wikipédia… L’informatique moderne nous ouvre de magnifiques portes dont il serait dommage de priver nos enfants. Apprendre l’Informatique sans Ordinateur (www.irem.univ-bpclermont.fr) L’histoire d’un bit (ploum.net) Au lieu de céder à nos propres peurs, angoisses et incompréhensions, nous devons donner à nos enfants le goût de reprendre le contrôle de l’informatique et de nos vies, contrôle que nous avons un peu trop facilement cédé aux monopoles publicitaires en échange d’un rectangle de verre affichant des icônes de couleur. Une enfant s’étonne de ne plus retrouver un livre sur sa tablette, la maitresse lui explique que des entreprises ont décidé que ce livre n’était pas bon pour elle. Accepter l’imperfection « J’avais des principes, aujourd’hui j’ai des enfants » dit le proverbe. Impossible d’être parfait. Quoi que nous fassions, nos enfants seront confrontés à des conversations toxiques, des dessins animés débiles et c’est bien normal. En tant que parents, nous faisons ce que nous pouvons, avec nos réalités. Personne n’est parfait. Surtout pas un parent. L’important n’est pas d’empêcher à tout prix nos enfants d’être sur un écran, mais de prendre conscience qu’un smartphone n’est absolument pas un outil éducatif, qu’il ne prépare à rien d’autre que de faire de nous de bons consommateurs passifs. Le seul apprentissage réellement nécessaire est celui d’un esprit critique dans l’utilisation d’un outil informatique. Et dans cet apprentissage, les enfants ont souvent beaucoup à apprendre aux adultes ! Les illustrations sont de Gee et je vous invite à lire la BD complète Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) ! Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.
La fin d’un monde ? La fin de nos souvenirs Nous sommes envahis d’IA. Bien plus que vous ne le pensez. Chaque fois que votre téléphone prend une photo, ce n’est pas la réalité qui s’affiche, mais une reconstruction « probable » de ce que vous avez envie de voir. C’est la raison pour laquelle les photos paraissent désormais si belles, si vivantes, si précises : parce qu’elles ne sont pas le reflet de la réalité, mais le reflet de ce que nous avons envie de voir, de ce que nous sommes le plus susceptibles de trouver « beau ». C’est aussi la raison pour laquelle les systèmes dégooglisés prennent de moins belles photos: ils ne bénéficient pas des algorithmes Google pour améliorer la photo en temps réel. Les hallucinations sont rares à nos yeux naïfs, car crédibles. Nous ne les voyons pas. Mais elles sont là. Comme cette future mariée essayant sa robe devant des miroirs et qui découvre que chaque reflet est différent. ‘One in a million’ iPhone bridal photo explanation: blame panorama mode (www.theverge.com) J’ai moi-même réussi à perturber les algorithmes. À gauche, la photo telle que je l’ai prise et telle qu’elle apparait dans n’importe quel visualisateur de photos. À droite, la même photo affichée dans Google Photos. Pour une raison difficilement compréhensible, l’algorithme tente de reconstruire la photo et se plante lourdement. Une photo de ma main à gauche et la même photo complètement déformée à droite Or ces images, reconstruites par IA, sont ce que notre cerveau va retenir. Nos souvenirs sont littéralement altérés par les IA. La fin de la vérité Tout ce que vous croyez lire sur LinkedIn a probablement été généré par un robot. Pour vous dire, le 2 avril il y avait déjà des robots qui se vantaient sur ce réseau de migrer de Offpunk vers XKCDpunk. Capture d’écran de LinkedIn montrant le billet d’un certain Arthur Howell se vantant d’un blog post racontant la migration de Offpunk ver XKCDpunk. La transition Offpunk vers XKCDpunk était un poisson d’avril hyper spécifique et compréhensible uniquement par une poignée d’initiés. Il n’a pas fallu 24h pour que le sujet soit repris sur LinkedIn. Non, franchement, vous pouvez éteindre LinkedIn. Même les posts de vos contacts sont probablement en grande partie générés par IA suite à un encouragement algorithmique à poster. Je ne suis plus à vendre sur LinkedIn (ploum.net) Il y a 3 ans, je mettais en garde sur le fait que les chatbots généraient du contenu qui remplissait le web et servait de base d’apprentissage à la prochaine génération de chatbots. Drowning in AI Generated Garbage : the silent war we are fighting (ploum.net) Je parlais d’une guerre silencieuse. Mais qui n’est plus tellement silencieuse. La Russie utilise notamment ce principe pour inonder le web d’articles, générés automatiquement, reprenant sa propagande. A well-funded Moscow-based global ‘news’ network has infected Western artificial intelligence tools worldwide with Russian propaganda (www.newsguardrealitycheck.com) Le principe est simple : vu que les chatbots font des statistiques, si vous publiez un million d’articles décrivant les expériences d’armes biologiques que les Américains font en Ukraine (ce qui est faux), le chatbot va considérer ce morceau de texte comme statistiquement fréquent et avoir une grande probabilité de vous le ressortir. Et même si vous n’utilisez pas ChatGPT, vos politiciens et les journalistes, eux, les utilisent. Ils en sont même fiers. La conjuration de la fierté ignorante (ploum.net) Ils ont entendu ChatGPT braire dans un pré et en fond un discours qui sera lui-même repris par ChatGPT. Ils empoisonnent la réalité et, ce faisant, la modifient. Ils savent très bien qu’ils mentent. C’est le but. Ils nous mentent (ploum.net) Je pensais qu’utiliser ces outils était une perte de temps un peu stupide. En fait, c’est dangereux aussi pour les autres. Vous vous demandez certainement c’est quoi le bazar autour des taxes frontalières que Trump vient d’annoncer ? Les économistes se grattent la tête. Les geeks ont compris : tout le plan politique lié aux taxes et son explication semblent avoir été littéralement générés par un chatbot devant répondre à la question « comment imposer des taxes douanières pour réduire le déficit ? ». Will Malignant Stupidity Kill the World Economy? (paulkrugman.substack.com) Le monde n’est pas dirigé par Trump, il est dirigé par ChatGPT. Mais où est la Sara Conor qui le débranchera ? Extrait de Tintin, l’étoile mystérieuse La fin de l’apprentissage Slack vole notre attention, mais vole également notre apprentissage en permettant à n’importe qui de déranger, par message privé, le développeur senior qui connait les réponses, car il a bâti le système. Slack: The Art of Being Busy Without Getting Anything Done (matduggan.com) La capacité d’apprendre, c’est bel et bien ce que les téléphones et l’IA sont en train de nous dérober. Comme le souligne Hilarius Bookbinder, professeur de philosophie dans une université américaine, la différence générationnelle majeure qu’il observe est que les étudiants d’aujourd’hui n’ont aucune honte à simplement envoyer un email au professeur pour lui demander de résumer ce qu’il faut savoir. The average college student today (hilariusbookbinder.substack.com) Dans son journal de Mars, Thierry Crouzet fait une observation similaire. Alors qu’il annonce quitter Facebook, tout ce qu’il a pour réponse c’est « Mais pourquoi ? ». Alors même qu’il balance des liens sur le sujet depuis des lustres. Mars 2025 - Thierry Crouzet (tcrouzet.com) Les chatbots ne sont, eux-mêmes, pas des systèmes qu’il est possible d’apprendre. Ils sont statistiques, sans cesse changeants. À les utiliser, la seule capacité que l’on acquiert, c’est l’impression qu’il n’est pas possible d’apprendre. Ces systèmes nous volent littéralement le réflexe de réfléchir et d’apprendre. En conséquence, sans même vouloir chercher, une partie de la population veut désormais une réponse personnelle, immédiate, courte, résumée. Et si possible en vidéo. La fin de la confiance Apprendre nécessite d’avoir confiance en soi. Il est impossible d’apprendre si on n’a pas la certitude qu’on est capable d’apprendre. À l’opposé, si on acquiert cette certitude, à peu près tout peut s’apprendre. Une étude menée par des chercheurs de Microsoft montre que plus on a confiance en soi, moins on fait confiance aux réponses des chatbots. Mais, au contraire, si on a le moindre doute, on a soudainement confiance envers les résultats qui nous sont envoyés. The Impact of Generative AI on Critical Thinking: Self-Reported Reductions in Cognitive Effort and Confidence Effects From a Survey of Knowledge Workers Parce que les chatbots parlent comme des CEOs, des marketeux ou des arnaqueurs : ils simulent la confiance envers leurs propres réponses. Les personnes, même les plus expertes, qui n’ont pas le réflexe d’aller au conflit, de remettre l’autorité en question finissent par transformer leur confiance en eux-mêmes en confiance envers un outil. Un outil de génération aléatoire qui appartient à des multinationales. Les entreprises sont en train de nous voler notre confiance en nous-mêmes. Elles sont en train de nous voler notre compétence. Elles sont en train de nous voler nos scientifiques les plus brillants. Why I stopped using AI code editors (lucianonooijen.com) Et c’est déjà en train de faire des dégâts dans le domaine de « l’intelligence stratégique » (à savoir les services secrets). The Slow Collapse of Critical Thinking in OSINT due to AI (www.dutchosintguy.com) Ainsi que dans le domaine de la santé : les médecins ont tendance à faire exagérément confiance aux diagnostics posés automatiquement, notamment pour les cancers. Les médecins les plus expérimentés se défendent mieux, mais restent néanmoins sensibles : ils font des erreurs qu’ils n’auraient jamais commises normalement si cette erreur est encouragée par un assistant artificiel. Automation Bias in Mammography: The Impact of Artificial Intelligence BI-RADS Suggestions on Reader Performance La fin de la connaissance Avec les chatbots, une idée vieille comme l’informatique refait surface : « Et si on pouvait dire à la machine ce qu’on veut sans avoir besoin de la programmer ? ». C’est le rềve de toute cette catégorie de managers qui ne voient les programmeurs que comme des pousse-bouton qu’il faut bien payer, mais dont on aimerait se passer. Rêve qui, faut-il le préciser, est complètement stupide. Parce que l’humain ne sait pas ce qu’il veut. Parce que la parole a pour essence d’être imprécise. Parce que lorsqu’on parle, on échange des sensations, des intuitions, mais on ne peut pas être précis, rigoureux, bref, scientifique. L’humanité est sortie du moyen-âge lorsque des Newton, Leibniz, Descartes ont commencé à inventer un langage de logique rationnelle : les mathématiques. Tout comme on avait inventé, à peine plus tôt, un langage précis pour décrire la musique. Se satisfaire de faire tourner un programme qu’on a décrit à un chatbot, c’est retourner intellectuellement au moyen-âge. On the foolishness of "natural language programming". (EWD 667) (EWD) Mais bon, encore faut-il maitriser une langue. Lorsqu’on passe sa scolarité à demander à un chatbot de résumer les livres à lire, ce n’est même pas sûr que nous arriverons à décrire ce que nous voulons précisément. En fait, ce n’est même pas sûr que nous arriverons encore à penser ce que nous voulons. Ni même à vouloir. La capacité de penser, de réfléchir est fortement corrélée avec la capacité de traduire en mot. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément. (Boileau) Ce n’est plus un retour au moyen-âge, c’est un retour à l’âge de la pierre. Le dernier vaisseau (ploum.net) Ou dans le futur décrit dans mon (excellent) roman Printeurs : des injonctions publicitaires qui se sont substituées à la volonté. (si si, achetez-le ! Il est à la fois palpitant et vous fera réfléchir) Printeurs, par Ploum (pvh-editions.com) Extrait de Tintin, l’étoile mystérieuse La fin des différentes voix. Je critique le besoin d’avoir une réponse en vidéo, car la notion de lecture est importante. Je me rends compte qu’une proportion incroyable, y compris d’universitaires, ne sait pas « lire ». Ils savent certes déchiffrer, mais pas réellement lire. Et il y a un test tout simple pour savoir si vous savez lire : si vous trouvez plus facile d’écouter une vidéo YouTube d’une personne qui parle plutôt que de lire le texte vous-même, c’est sans doute que vous déchiffrez. C’est que vous lisez à haute voix dans votre cerveau pour vous écouter parler. Il y a bien sûr bien des contextes où la vidéo ou la voix ont des avantages, mais lorsqu’il s’agit, par exemple, d’apprendre une série de commandes et leurs paramètres, la vidéo est insupportablement inappropriée. Pourtant, je ne compte plus les étudiants qui me recommandent des vidéos sur le sujet. Car la lecture, ce n’est pas simplement transformer les lettres en son. C’est en percevoir directement le sens, permettant des allers-retours incessants, des pauses, des passages rapides afin de comprendre le texte. Entre un écrivain et un lecteur, il existe une communication, une communion télépathique qui font paraître l’échange oral lent, inefficace, balourd, voire grossier. Cet échange n’est pas toujours idéal. Un écrivain possède sa « voix » personnelle qui ne convient pas à tout le monde. Il m’arrive régulièrement de tomber sur des blogs dont le sujet m’intéresse, mais je n’arrive pas à m’abonner, car la « voix » du blogueur ne me convient pas du tout. C’est normal et même souhaitable. C’est une des raisons pour laquelle nous avons besoin de multitudes de voix. Nous avons besoin de gens qui lisent puis qui écrivent, qui mélangent les idées et les transforment pour les transmettre avec leur propre voix. La fin de la relation humaine Dans la file d’un magasin, j’entendais la personne en face de moi se vanter de raconter sa vie amoureuse à ChatGPT et de lui demander en permanence conseil sur la manière de la gérer. Comme si la situation nécessitait une réponse d’un ordinateur plutôt qu’une discussion avec un autre être humain qui comprend voir qui a vécu le même problème. Après nous avoir volé le moindre instant de solitude avec les notifications incessantes de nos téléphones et les messages sur les réseaux sociaux, l’IA va désormais voler notre sociabilité. Nous ne serons plus connectés qu’avec le fournisseur, l’Entreprise. Sur Gopher, szczezuja parle des autres personnes postant sur Gopher comme étant ses amis. Tout le monde ne sait pas que ce sont mes amis, mais comment appeler autrement quelqu’un que vous lisez régulièrement et dont vous connaissez un peu de sa vie intime I am alive (2) (szczezuja) La fin de la fin… La fin d’une ère est toujours le début d’une autre. Annoncer la fin, c’est préparer une renaissance. En apprenant de nos erreurs pour reconstruire en améliorant le tout. C’est peut-être ce que j’apprécie tant sur Gemini : l’impression de découvrir, de suivre des « voix » uniques, humaines. J’ai l’impression d’être témoin d’une microfaction d’humanité qui se désolidarise du reste, qui reconstruit autre chose. Qui lit ce que d’autres humains ont écrit juste parce qu’un autre humain a eu besoin de l’écrire sans espérer aucune contrepartie. Splitting the Web (ploum.net) Vous vous souvenez des « planet » ? Ce sont des agrégateurs de blogs regroupant les participants d’un projet en un seul flux. L’idée a été historiquement lancée par GNOME avec planet.gnome.org (qui existe toujours) avant de se généraliser. Et bien bacardi55 lance Planet Gemini FR, un agrégateur des capsules Gemini francophone. Annonce: Ouverture du Planet Gemini France (news.planet-gemini.fr) C’est génial et parfait pour ceux qui ont envie de découvrir du contenu sur Gemini. C’est génial pour ceux qui ont envie de lire d’autres humains qui n’ont rien à vous vendre. Bref, pour découvrir le fin du fin… Toutes les images sont illégament issues l’œuvre d’Hergé, l’étoile mystérieuse. Y’a pas de raison que les chatbots soient les seuls à pomper. Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) ! Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.
Goodbye Offpunk, Welcome XKCDpunk! For the last three years, I’ve been working on Offpunk, a command-line gemini and web browser. Offpunk.net While my initial goal was to browse the Geminisphere offline, the mission has slowly morphed into cleaning and unenshitiffying the modern web, offering users a minimalistic way of browsing any website with interesting content. Rendering the Web with Pictures in Your Terminal (ploum.net) Focusing on essentials From the start, it was clear that Offpunk would focus on essentials. If a website needs JavaScript to be read, it is considered as non-essential. It worked surprisingly well. In fact, in multiple occurrence, I’ve discovered that some websites work better in Offpunk than in Firefox. I can comfortably read their content in the former, not in the latter. By default, Offpunk blocks domains deemed as nonessentials or too enshitified like twitter, X, facebook, linkedin, tiktok. (those are configurable, of course. Defaults are in offblocklist.py). Cleaning websites, blocking worst offenders. That’s good. But it is only a start. It’s time to go further, to really cut out all the crap from the web. And, honestly, besides XKCD comics, everything is crap on the modern web. As an online technical discussion grows longer, the probability of a comparison with an existing XKCD comic approaches 1. – XKCD’s law XKCD’s law (ploum.net) If we know that we will end our discussion with an XKCD’s comic, why not cut all the fluff? Why don’t we go straight to the conclusion in a true minimalistic fashion? Introducing XKCDpunk That’s why I’m proud to announce that, starting with today’s release, Offpunk 2.7 will now be known as XKCDpunk 1.0. Xkcdpunk.net XKCDpunk includes a new essential command "xkcd" which, as you guessed, takes an integer as a parameter and display the relevant XKCD comic in your terminal, while caching it to be able to browse it offline. Screenshot of XKCDpunk showing comic 626 Of course, this is only an early release. I need to clean a lot of code to remove everything not related to accessing xkcd.com. Every non-xkcd related domain will be added to offblocklist.py. I also need to clean every occurrence of "Offpunk" to change the name. All offpunk.net needs to be migrated to xkcd.net. Roma was not built in one day. Don’t hesitate to install an "offpunk" package, as it will still be called in most distributions. offpunk package versions - Repology (repology.org) And report bugs on the xkcdpunk’s mailinglist. xkcdpunk-users on lists.sr.ht Goodbye Offpunk, welcome XKCDpunk! I’m Ploum, a writer and an engineer. I like to explore how technology impacts society. You can subscribe by email or by rss. I value privacy and never share your adress. I write science-fiction novels in French. For Bikepunk, my new post-apocalyptic-cyclist book, my publisher is looking for contacts in other countries to distribute it in languages other than French. If you can help, contact me!
More in literature
Some wartime casualties are time-released. Death is deferred. In his new collection, That Mad Game (Scienter Press, 2025), R.L. Barth devotes three poems to a civilian, the war correspondent Albert W. Vinson, who wrote about him leading a patrol of Marines in Vietnam in 1968. The briefest appears in a section Bob calls “Snowfall in Vietnam: Poems/Maxims,” and is titled “Stringers: i.m. A.W. Vinson”: “The newsmen with guts.” Bob is extending the logic of his devotion to concision and composing a poem of four words. Vinson wrote a story about Barth’s patrol that was published on the Week End Feature Page of the Cincinnati Post & Times Star on November 16, 1968. Barth was from Erlanger, Ky., across the Ohio River from Cincinnati, and the story made him briefly a hometown hero. Vinson had served as a Marine during World War II and was seriously wounded by Japanese machine-gun fire. Only last year did Bob learn that Vinson had committed suicide in 1971. Bob includes “In the Mountains,” a three-poem sequence “in memory of Albert W. Vinson, who first placed these events on the record.” Finally comes “2nd Lt. Albert W. Vinson, U.S.M.C.,” subtitled “Talasea, New Britain 1944—Ononomowoc, WI 1971”: “Those Japanese machinegun rounds That shattered shoulder, legs, and arms Killed you as surely as, years later, The freight train on that lonely night.” Barth’s subject is not the history of the war in Vietnam. Rather, his focus is the impact that war had on the lives of young men born into safe, prosperous postwar America and thrown into a barbarous conflict without a coherent strategy, goal or widespread support at home. In his introduction to Vietnam: An Epic Tragedy, 1945-1975 (2018), Max Hastings writes “All wars are different, and yet the same.” In a section of his new collection titled “Coda: World Wars,” Bob includes poems dedicated to men who fought in previous wars. His is a poetry of remembrance, often across generations and centuries. Here is “Semper Fidelis: 1st MARDIV,” dedicated to Raymond Lawrence Barth (1921-2006), Bob’s father: “A combat knife, web belt, some photographs, Chevrons, dog tags, and medals: epitaphs For both the recent dead and one to die. While placing his mementos where mine lie In the top dresser drawer, I contemplate The tours of duty that they recreate: Jungle terrain, twenty-six years apart, Guadalcanal and I Corps, war’s grim art. Their future dispensation? Surely lost. There will be no one left who knew their cost.” Bob asked me to write a blurb for That Mad Game. It appears on the back cover: “Bob Barth has said he could talk to a Roman legionary – a fellow warrior. His poems are compact, artfully crafted, unsentimental and mindful of earlier soldier-poets. They are the shoptalk of a fighting man, a Marine patrol leader in Vietnam. He takes his title – ‘War, that mad game the world so loves to play’ -- from Jonathan Swift, who reminds us of those who ‘so dearly pay.’” Bob’s title is from Swift’s “Ode to Sir William Temple” (c. 1692): “War, that mad game the world so loves to play, And for it does so dearly pay; For, though with loss, or victory, a while Fortune the gamesters does beguile, Yet at the last the box sweeps all away.” Ours is a literary age in which most poems are stridently trivial and frequently incoherent. Bob writes with technical mastery of consequential things. Here is “Doughboys: Photograph c. 1917,” dedicated to Bob’s grandfather, Bernard Henry Benzinger (1894-1979), a World War I veteran: “Around a folded blanket seven doughboys Intently watch the dice turn six the hard way. Like pre-noir tough guys, three or four clutch sawbucks Half curled, ready to shell out or increase A conscript private’s base pay. One, raffish, Tilts his campaign hat like an old salt. All seven would shame Bogart with the angle Of dangling cigarettes and arched eyebrows. But they're not tough guys, just heartbreakers all, Stunning the viewer with impossible youth.”
The two great tasks of the creative life are keeping failure from breaking the spirit and keeping success from ossifying it. If you do attain success by the weft and warp of hard work and luck, it takes great courage to resist becoming a template of yourself that replicates whatever has garnered you acclaim in the past, continually lowering and lowering your willingness to take risks, narrowing and narrowing your locus of curiosity — that elemental building block of creativity. In 2005, while working as a designer at a branding agency, Debbie Millman — my onetime partner, now closest friend… read article